Naissance de Naël – 15 septembre 2015

Naissance de Naël – 15 septembre 2015

En tant que femme, je trouve qu’il y a une chose dont on parle peu et qui pourtant est susceptible de faire des dégâts en termes d’estime de soi et de protection de la vie privée et physique: tomber enceinte signifie sans qu’on vous le dise, que votre corps ne vous appartient plus. Et cela ne concerne pas que le bébé, à qui nous offrons toutes bien volontiers le meilleur des nids douillets, et la priorité dans tout ce dont il a besoin en apports nutritifs, … Mais en dehors de cela, non seulement il arrive que de parfaits étrangers se mettent à vous poursuivre, la main ouverte pour toucher votre ventre, mais le staff médical suit la tendance et est frappé d’amnésie localisée sur les concepts « intimité », « discrétion »  et « respect ». Sans compter qu’il tend souvent à prendre les décisions à votre place. Je me souviens avoir pensé: « tiens, je n’ai jamais entendu que grossesse rimait avec retard mental ». 

Bien entendu, beaucoup de suivis de grossesse « classiques » se passent très bien, mais je pense que c’est aussi parce que beaucoup de femmes font taire en elles leur exigence de respect minimal envers elles-mêmes. Nous sommes parfois juste des « couveuses », et pour le bien de notre enfant, souvent nous l’acceptons, avec les conséquences que cela engendre: nombreuses épisiotomies inutiles, césariennes « préventives », monitorings contraignants…
Voilà la raison pour laquelle je ne voulais pas d’un suivi classique. Je voulais la garantie qu’on ne me mette pas inutilement la pression pour accepter tel ou tel acte médical, ni que l’on ne force mon intimité sans un minimum de respect. Préserver l’estime de soi, la vie sexuelle, le bien-être de la maman sont importants!  
 
A la maison de naissance, j’ai trouvé une équipe respectueuse, qui discute des décisions à prendre, du sentiment de la maman, de son bien-être, de ce que la maman et le papa veulent. Je me souviens avoir été surprise lorsque Béné m’a demandé: « Est-ce que tu as un projet de naissance? Qu’Est-ce que tu VEUX? » Voilà bien des questions auxquelles je n’avais pas été habituée.. 
 
Puisque je n’étais pas sûre de la manière dont je voulais que cela se passe (je savais que je prendrais mes décisions « au feeling »), j’ai énuméré ce dont je ne voulais pas: pas de décision sans que je sache pourquoi et que je puisse intervenir, pas d’examen intime inutile, pas trop de lumière, pas de personne dans la pièce sans que j’en sois informée, et pas d’entrave physique. Tout a été respecté. Magnifiquement.
J’ai aussi été soulagée de savoir que je pouvais hurler à la lune sans être rabrouée (il ne faut pas hésiter à crier: ça fait un bien fou!). Je savais que j’allais vers une épreuve physique et émotionnelle sans précédent, et il était bon de savoir que les personnes qui allaient être avec moi se considéraient comme mes équipiers. 
 

C’était notre « D-Day », le débarquement, la délivrance… Non sans un rude combat!
J’étais en toute fin de grossesse, tout se passait bien. Sauf mon dos, mon impatience, mon caractère qui fait que lorsque je m’apprête à vivre une épreuve, je fonce dessus. Après quelques jours de grandes marches à pied rapides, de café, trucs et astuces en tous genres,…. Naël me fait signe. Ca y est. Etrangement sereine, j’ai passé 7heures d’attente à la maison, à rire, discuter, regarder un film et manger des morceaux de tarte. La Maison de naissance était prévenue, on m’attendait. A l’aise. C’est bon de se sentir tellement en confiance que la panique disparaît, que l’écoute de mon corps devient mon seul indicateur. Et puis je me suis décidée, lorsque j’ai senti que c’était le moment, ou bien était-ce parce que je ne tenais plus en place?! Et nous sommes partis. Je passerai les détails de la recherche effrénée de mes deux bêtes chiens qui, au moment du départ, se sont éclipsés (il fallait me voir, au volant de ma voiture, interroger entre deux contractions, les passants du quartier…).
 
Arrivés à la maison de naissance, on a fait un premier examen, discuté, plaisanté. J’ai demandé à mon amour de mettre de la musique, choisie pour l’occasion.

J’ai « joué » avec tout ce qui m’étais proposé: foulard, tabouret, lit, ballon, et puis j’ai demandé à entrer dans la baignoire. Bon sang, ce que ça fait du bien! La pression sur le dos se réduit, et même les contractions faisaient moins mal. Une fois ressortie, la poche des eaux s’est rompue. J’ai commencé le travail « dur » sur le lit, puis le ballon. Bien que je trouvais celui-ci amusant jusque là, je ne l’ai plus supporté et j’ai décidé de retourner dans la baignoire. Mon amour était avec moi. Il respirait avec moi, me massait le dos, m’embrassait,… Ca devenait vraiment très douloureux, je voulais en finir. Je ne sais plus qui m’a demandé si je souhaitais accoucher sur le lit. J’ai dit oui, espérant que les choses s’accélèrent hors de l’eau. Je me suis redressée, découvrant avec indignation que hors de l’eau, ça faisait encore plus mal (je me demandais comment ça pouvait être possible) Mais il était trop tard, l’enfant arrivait. Nous sommes donc restés dans l’eau. Calé dans mon dos, moi appuyée sur mon amour, on y était! Je continue à dire que c’est moi qui ai fait tout le boulot (non, mais sans rire, qui a inventé l’expression « accoucher une femme », que je l’attrape?!), mais rarement un papa a pu participer à ce point.

 

Il m’a tenu les jambes, a été mon appui, mon soutien, mon épée dans ce combat dur et douloureux. Mon excalibur, en somme! Et la sage-femme, le meilleur des boucliers! Les pauvres ont été insultés, rendus sourds, et exhortés à m’ouvrir le ventre avec un couteau tellement j’avais mal. Même mon petit garçon a eu droit à un « mais sors de là!! » Mais ils ont tenu, ont été mon courage quand je l’ai perdu, et de véritables guides pour moi. Et jamais je n’ai eu à remettre en doute la confiance totale que j’ai été amenée à mettre en eux. Car pour une parturiente, il est impossible de réaliser l’exploit de donner la vie sans confiance.
Et Naël est arrivé. Je l’ai eu immédiatement dans les bras, et son papa a pu couper le cordon. Mes premiers mots à mon fils ont été: « désolée de m’être fâchée sur toi, je t’aime! » Il était magnifique, et je l’ai trouvé tellement grand que malgré les sensations de douleur encore bien lancinantes, je me suis demandée comment il était possible qu’il soit sorti de mon ventre. Ce premier moment est unique et magnifique. Il n’efface pas toutes les épreuves, ni la douleur, mais le seul fait de voir son enfant donne une nouvelle dose de courage dont nous n’avons pas conscience. A ce moment, j’ai réalisé à quel point les femmes sont fortes!

Une fois sortie de l’eau, Naël cajolé et séché par son papa, la deuxième phase a débuté. Les sages-femmes ont appuyé sur mon ventre pour aider le placenta à sortir. C’est moins douloureux, mais après l’épreuve que je venais de traverser, je trouvais injuste d’avoir encore ça à subir. Je pense qu’il faut bien garder en tête qu’il faut y passer, ça rend les choses plus faciles.

Là, j’ai perdu beaucoup de sang. Mon amour me rappelle parfois à quel point il a eu peur. On a tous discuté d’un possible transfert à Ste Elizabeth, mais j’ai tenu bon, et on m’a écoutée. Les risques ont été bien évalués, en tenant compte de mon état psychique, et j’ai pu rester. J’ai été très bien suivie après pour ça et 2 semaines plus tard, j’ai reçu des poches de sang pour me remettre plus vite, et m’aider à mieux produire mon lait.

 

La douleur est incroyable, mais je tiens à dire ceci: il y a beaucoup d’astuces, qu’on vous propose à la maison de naissance, pour la rendre supportable. Pour la contrôler, même. Oui, c’est vrai, nous avons ce pouvoir de contrôler partiellement la douleur, de comprendre notre corps, de « sentir » ce dont nous avons besoin. Et le respect de la mère, de son enfant, la compréhension de notre propre puissance, de notre force, valent toutes les péridurales du monde!

 
Par la suite, un peu énervée par les femmes qui clament que l’accouchement est le plus beau jour de leur vie (unique, avec certains moments magnifiques, d’accord, mais ça s’arrête là pour moi), je me suis forcée à garder vifs dans mon esprit les bons comme les mauvais souvenirs. Pour ne pas faillir avec un moment de regret, la prochaine fois que nous nous déciderions à avoir un enfant. Pour entrer dans cette aventure en pleine conscience. Et pour la douceur avec laquelle Naël a été traité, pour le respect de mon avis, de mon corps, et du rôle du papa, je recommande la maison de naissances.
 

Encore un grand merci à toute l’équipe, et peut-être à bientôt 😉

Jeny