Naissance de Victoria – 24 juillet 2006

Naissance de Victoria – 24 juillet 2006

10 mois après la naissance de Victoria, je me sens prête à partager le récit que j’ai écris peu après sa naissance… Je me dis que mon témoignage peut encourager, aider toutes les mamans enceintes qui cherchent, doutent, se posent des questions sur cette formidable aventure qu’est celle de donner la vie !

La naissance de ma fille Victoria…

Quelle histoire ma puce, quelle belle histoire. Plus d’un mois après ta naissance, je suis toujours dans la fièvre de ce début de maternité. Je suis fière, oui, fière de toi, de notre parcours.

Naissance d’une fille, naissance d’une mère…

C’est l’histoire d’une fille qui avait peur de devenir mère.  Une fille qui avait une mère, et qui marquée par cette relation, avait peur d’avoir une fille.

Dans cette histoire, il y a Martin, qui ne doute de rien, en tout cas pas de ma capacité à devenir mère, loin de là. Il y a notre amour, très fort. La confiance qu’il a en moi me porte, me grandit. Et puis, notre amour finit vite par vouloir se concrétiser.  Je suis enceinte au premier essai.  Pour moi, rétrospectivement c’est déjà un signe : c’était toi, à ce moment  et rien d’autre. 

Quelle ivresse cette grossesse ! Quel pied ! Sentir qu’on porte la vie, c’est fabuleux.  C’est l’occasion de prendre soin de soi, d’apprendre à se faire confiance. Et, la nature est bien faite, elle prévoit 9 mois, il faut bien cela…

Il faut le temps de réaliser ce qui se passe, d’imaginer son bébé grandir en soi, de préparer sa venue et de choisir la façon dont on va lui donner la vie.  Ton papa et moi avons pris le temps de réfléchir sur ta naissance, la façon dont on voulait t’éduquer aussi, merci à Martin d’avoir vécu pleinement le chemin parfois bien sinueux de la grossesse.

Pouvoir décider de ce qui se passe, pouvoir se sentir acteur et poser des choix éclairés sont bien des choses qui caractérisent tes parents.  Cela t’agacera sans doute un jour quand tu les entendras tergiverser de longues minutes dans un supermarché devant deux types de papiers toilettes, à savoir lequel est plus écologique-économique…

Bref, ce trait de caractère nous a naturellement amené à découvrir la maison de naissance, l’Arche de Noé et à rencontrer les sages-femmes de celle-ci.

Par mes lectures et préparations à la naissance avec les sages-femmes, nous avons rapidement été convaincu  de voir la naissance comme un acte naturel.  Un moment qui nous dépasse, qu’il convient d’aborder avec humilité, je garde en tête l’expression de Bénédicte, on est à ce moment là un canal de vie.  On ne choisit pas quand, comment, combien de temps cela va durer.  Avec quelle force, quelle intensité ? C’est l’inconnu : il faut pour une fois dans ma vie que j’apprenne à lâcher prise, arrêter de vouloir tout contrôler avec mon gros cerveau rationnel.  Non, là je ne décide de rien, la vie choisira si tu seras une fille, un garçon, si tu seras fragile, robuste, tonique ? 

Et c’est très apaisant de se mettre dans cet état d’esprit, vers la fin de la grossesse, je me suis vraiment laissée aller, essayer le plus possible de se foutre de tout, d’être clair avec ce qui est important pour soi : bien manger, dormir, penser à soi et à son bébé, le reste… basta ! C’est vraiment une des rares occasions dans notre société ou on peut se le permettre je trouve, c’est vraiment l’extase.  Aux personnes qui me demandaient «  Alors, tu n’en a pas marre ? pas trop impatiente ? » Non, je n’en ai pas marre, c’est un moment super, non je ne suis pas impatiente, chaque chose en son temps.  Mon bébé arrivera quand il l’aura décidé, ce sera son moment.

Respecter qui tu es, ton rythme, la surprise de ton sexe à la naissance ( ce petit secret qu’on a voulu que tu nous gardes) tout cela est à mon sens un beau cadeau qu’on t’a fait dès le départ.

Bien sûr, les jours qui précèdent l’accouchement, j’ai été infernale. Oui, non, je veux bouger, oui, non il fait trop chaud, envie de voir des gens, oui, non, besoin d’être chez moi,…. Ouh pauvre Martin, il a fallu qu’il danse avec moi cette petite valse à deux temps.  Moi , je ne savais pas à quoi m’attendre ou plutôt je ne voulais plus y penser, j’avais lu des choses en début de grossesse, on s’était préparer avec Bénédicte à l’haptonomie, la séance d’Evelyne sur la douleur… les semaines précédant ta naissance mon état d’esprit était le suivant : arrivera ce qui arrivera !

Et forcément, il est arrivé quelque chose, ça c’est sûr….

Le samedi 22 juillet fut une journée remplie de plaisirs, nous l’avons passé ton  papa et moi, c’était très chouette. En me couchant j’ai commencé à ressentir des contractions.  J’essaie de ne pas trop y faire attention, de me rendormir.  Mission impossible : elles sont courtes, pas trop douloureuses, mais toutes les 10 minutes.  Alors, je somnole, je vais respirer la nuit sur le balcon, je prends un bain.  Je reste calme, essaie de me rendormir, en vain. Je ne pense pas que c’est le moment, je ne m’excite pas, me disant que c’est peut-être une fausse alerte et que je dois préserver mon énergie.

Le matin, Martin se réveille et on va déjeuner. On appelle Bénédicte, qui se levait après un bonne nuit ( heureusement car elle ne savait pas ce qui l’attendait…) et vu mes explications on se retrouve à la maison de naissance une demi-heure plus tard.

Il fait beau, encore frais, Bénédicte nous accueille avec un grand sourire.  On entre dans la salle d’accouchement, après un examen, Bénédicte nous laisse le choix de rester ou de rentrer chez nous pour quelques temps. On décide de rester à la maison de naissance pour apprivoiser les lieux.  Le temps de se mettre à l’aise.  Bénédicte ira et viendra au cours de la journée en fonction de l’avancée du travail.

Il faut quant à moi que je trouve mes marques, j’ai du mal à croire que c’est pour aujourd’hui, et si j’avais fait venir Bénédicte pour rien et si…. Et les contractions continuent , elles me demandent un peu plus de concentration à chaque fois.  Je respire, accueille et reprend la conversation autour d’un petit repas à midi.   Il me faudra encore une partie de l’après-midi pour plonger dans le travail, les contractions restent courtes, je me pose des questions, je prend des petites gouttes homéopathiques, c’est lent.  C’est mon rythme et celui du bébé me dit Bénédicte.  C’est vrai après tout, je suis quelqu’un qui aime être rapide, efficace,… là je dois faire un effort et laisser couler.

Vers 16.00 , je rentre en travail, à partir de là, je n’ai plus la notion du temps.  Les contractions s’intensifient, Martin m’aide par sa présence et son contact pour chacune d’elles. Petit à petit, je trouve une position, un son, un rythme, une énergie, je me laisse aller là ou mon col m’emmène.  Je l’imagine s’ouvrir, la tête de mon bébé appuyant dessus.  J’entends vaguement Bénédicte tondre, d’ailleurs, je ris à un moment car j’entend des bouts de bois qui craque dans tout les sens, je me demande bien quelle est sa méthode pour tondre un jardin ?

Je me fais la réflexion que les contractions, ça fait un bien fou… quand ça s’arrête ! Je ne sais plus combien de temps passe, Bénédicte me réexamine, je suis à 5.  Je pensais être déjà plus loin, Bénédicte m’encourage, Martin ne lâche pas son poste, ses bras sont là pour chaque contraction.  On me propose un bain, pourquoi pas ? Mais là c’est vraiment dur, je pense à mon col, à la tête, et je suis déterminée à ouvrir le passage.  J’y mets de la hargne, un peu de rage.  J’en ai marre, je me décourage.  En sortant du bain, j’ai régressé, mon fameux col est de nouveau un peu tonique. 

Alors là ! Bénédicte me fait part de son doute : elle ne veut pas que cela soit trop dur pour moi, que je garde un mauvais souvenir.  Elle me propose d’aller à Sainte-Elisabeth pour me soulager, ou de percer la poche des eaux pour accélérer le travail mais cela risque d’être plus douloureux ( j’oublie vite cette possibilité !) ou d’appeler de toute façon une collègue pour avoir un conseil.

Je m’écroule, je me décourage, je ne sais plus, je ne pensais pas une seconde à la péridurale mais là si Bénédicte, ma référence dans ce que je vis pour l’instant, doute.  Je suis perdue.  Je ne veux pas aller à la clinique, il me faudra une heure minimum avant d’avoir la péridurale, et cette heure là je ne veux pas la passer avec ces contractions dans l’ambulance, dans le couloir de l’hôpital, non ! 

Je veux que tout s’arrête, je m’imagine le millier de femmes qui ont du passer par là, je m’imagine qu’il ne faudrait pas grand chose pour demander : « tuez moi ! »

Bénédicte revient, on discute.  Elle me propose de me tourner du coté des émotions, et là je me rappelle de ce qu’Evelyne avait dit : «  Parfois quand c’est difficile, je demande au bébé d’aider sa maman » Alors je commence à parler à mon bébé, Martin à mes côtés, toujours là, à me soutenir. Les yeux fermés, la main sur mon ventre, je lui parle tendrement :  «  Il est temps qu’on se voie mon petit chou, maintenant il est temps de te toucher, de te sentir.  Tes petits pieds, tes petits bras, sentir ton odeur.  Trouves ton chemin mon petit chat.  J’ai besoin que tu m’aides.  Je suis fatiguée, j’ai besoin que tu m’aides.  Tout en douceur.  De la douceur et de l’amour.  On a vécu déjà tellement de  choses.  Je n’ai jamais été aussi bien qu’avec toi dans mon ventre.  Il faut que je me repose mon amour, essaie de trouver ton chemin avec mon col, je te fais confiance, je t’aime » voilà ce que je me rappelle avoir dit, pensé et répété pendant un certain temps.  Je voulais qu’à partir de maintenant tout se fasse en douceur, plein d’amour, j’ai l’impression de l’avoir répété 1000 fois. On a somnolé comme cela Martin et moi pendant un certain temps. Les contractions ont quasi disparu. Je suis restée concentrée sur la mission de mon bébé, sur ma confiance, mon besoin de faire une pause.

Tout à coup, j’ai eu une contraction qui m’a donné envie de pousser.  Martin a prévenu Bénédicte.  Mon col avait lâché, j’étais presque à 10….

C’était incroyable, on était tous très ému.  «  bravo tu as fait ça tout seul, je t’aime tu es magnifique, tout en douceur, tu t’es débrouillé.. »Je ne pouvais plus douter de l’amour que j’allais avoir pour ce bébé.  Je l’aimais déjà si fort. Mon petit chou s’est débrouillé tout seul avec mon col, tout en douceur, c’était magique, je n’oublierai jamais…

Ensuite, il a fallu rassembler ses énergies pour pousser, quel effort intense ! Quelle sensation différente, c’est puissant ! Ca me semble long, je suis épuisée.  Martin toujours là, j’attrape sa nuque, ses mains, il me soutient, même le pantalon de Thérèse qui nous a rejoint, n’est pas épargné.  Et enfin, tout glisse, je fonds, le petit corps de mon bébé tout chaud est enfin sur mon ventre.  Le temps s’arrête, on est dans le contact, je savoure sa peau, sa chaleur, son odeur, c’est délicieux…

Mes mains iront découvrir à tâtons sous la couette que c’est une petite fille !! On la relève quand même pour être sûrs et oui c’est une magnifique petite poulette.  Une courageuse, pleine d’amour est là toute tendre au creux de nos bras.  On déguste de vrais instants de bonheur, on savoure cette magnifique rencontre.

Je suis sur mon petit nuage, je viens de mettre au monde un ange.  Une bulle d’amour nous a fait naître.  Quelle chance d’avoir vécu cette naissance, d’avoir pu faire cela tous ensemble.  C’est l’amour qui t’as fait naître.  C’est grâce à la confiance que j’ai eu en toi, grâce à mon laché prise, grâce à la tendresse qui nous uni. Grâce au soutien sans relâche de ton papa.  Grâce à la vigileance, à l’écoute, à la générosité de Bénédicte.

Voilà cette histoire, Victoria, et pour toi tout commence…

J’ai appris tellement de chose : on ne peut pas tout maîtriser, un col non plus, il a sa part de liberté, son rythme.  Je n’oublierai jamais cette preuve d’amour qu’on s’est faite cette nuit là.  De la douceur et de l’amour, quelle beau démarrage pour une vie.  Ce fut aussi quelque part ma naissance, la naissance d’une mère.  J’ai découvert qu’au bout de moi-même, épuisée, dans l’essentiel, il n’y avait ni méchanceté, ni haine, ni peur, ni angoisse.  J’y ai trouvé de la détermination, parfois de la hargne, du courage, mais surtout de la tendresse, de l’amour, de la sérénité et enfin de la CONFIANCE.  Celle qui me manque tant.

 C’est vrai, ce fut long, deux nuits blanches, plus de 24 heures de contractions, dont 12 heures de vrai travail,… Du côté rationnel, du coté des calculs, c’est vrai, on a du mal à comprendre, pourquoi vouloir vivre cela. Mais pour rien au monde, je ne voudrais changer quoi que ce soit, cet accouchement a scellé à tout jamais le lien d’amour qui m’uni à ma fille.